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Stabilisation des opales : une solution contre le craquèlement

BORNET Rémi (2025)
Nodule d'opale chocolat instable de Mezezo, Ethiopie © Malux Minerals

Les opales éthiopiennes, notamment celles issues des provinces de Shewa et de Wollo, se sont imposées depuis les années 1990 sur le marché gemmologique mondial. Appréciées pour leurs jeux de couleurs spectaculaires, leur transparence variable et leur accessibilité, certaines présentent toutefois une fragilité importante : le "crazing", ou craquèlement interne, généralement lié à une déshydratation brutale. Ce phénomène peut survenir spontanément ou à la suite d'une exposition à la chaleur, à une lumière intense ou à un environnement sec. Pour répondre à ce défi, des procédés de stabilisation ont été mis au point, visant à préserver la structure de ces gemmes sans en altérer la nature chimique ni leur valeur gemmologique.

Photo : Nodule d'opale chocolat instable de Mezezo, Ethiopie © Malux Minerals

La nature du "crazing"

Le craquèlement des opales éthiopiennes s'explique par leur caractère hydrophane : ces gemmes absorbent rapidement l'eau de leur environnement, puis la relâchent tout aussi rapidement lorsqu'elles sèchent. Cette variation de teneur en eau entraîne des tensions internes au sein de la structure amorphe et poreuse de l'opale, provoquant des microfissures qui peuvent évoluer en fractures visibles. Le "crazing" peut ainsi rendre inutilisable une pierre taillée, voire la faire se fragmenter complètement. Il s'agit donc d'un problème majeur pour les lapidaires, les bijoutiers et les collectionneurs.

La porosité ouverte des opales de type hydrophane est une caractéristique naturelle, liée à leur genèse dans des milieux volcaniques, où la silice se fixe rapidement avec une structure peu densifiée. Cette porosité, bien qu'à l'origine de leur capacité d'absorption, est aussi responsable de leur instabilité.

Cabochon craquelé d'opale de Welo, Ethiopie © B. Rondeau
Cabochon craquelé d'opale de Welo, Ethiopie © B. Rondeau
Blanchissement d'opales d'Ethiopie après 2 ans © B. Rondeau
Blanchissement d'opales d'Ethiopie après 2 ans © B. Rondeau
Opales craquelées © Chauviré & al. (2023)
Opales craquelées © Chauviré & al. (2023)
Opale craquelée de Welo, Ethiopie © La Mine 2 Tout
Opale craquelée de Welo, Ethiopie © La Mine 2 Tout

Une solution inspirée de la synthèse d'opale

Les chercheurs russes Filin et Puzynin ont proposé un traitement en deux étapes visant à stabiliser les opales naturelles éthiopiennes, en s'inspirant des méthodes employées pour la fabrication d'opales synthétiques à porosité fermée, notamment celles produites en Russie pour simuler les opales australiennes.

1. Séchage supercritique

Le séchage thermique classique des opales éthiopiennes entraîne leur destruction par contraction et tensions internes. Pour contourner ce problème, les auteurs ont utilisé un séchage supercritique avec de l'éthanol. Après remplacement progressif de l'eau contenue dans les pores par diffusion d'éthanol anhydre à 80°C, l'opale est soumise à une température et une pression supérieures aux conditions critiques de l'éthanol (243 °C, 63 bars). Le fluide supercritique, étant à la fois dense comme un liquide et fluide comme un gaz, est ensuite relâché sans traverser la frontière liquide-gaz, ce qui empêche la formation de tensions destructrices par capillarité.

Ce processus, déjà employé dans la conservation de matériaux fragiles tels que les préparations biologiques ou les gels silicatés, s'est montré très efficace pour préserver l'intégrité des opales.

2. Scellage des pores par solution de silice colloïdale

Une fois l'opale déshydratée, ses pores sont scellés par imprégnation d'une solution de silice
colloïdale à faible poids moléculaire sous haute pression (500 à 600 bars). Cette solution, constituée de particules fines de silice en suspension dans l'eau, agit comme un précurseur de l'opale. Elle pénètre en profondeur dans la structure poreuse puis se solidifie par condensation, comblant ainsi les vides internes.

Contrairement aux traitements par résines organiques (comme les polymères ou les huiles minérales), cette approche n'introduit pas de composants étrangers durables et reste donc compatible avec les critères d'authenticité gemmologique. Les opales ainsi traitées ne sont ni simulées ni artificielles, mais simplement stabilisées.

Résultats et perspectives

Les opales ainsi traitées montrent une forte réduction du risque de craquèlement même sous exposition prolongée à des températures élevées (jusqu'à 75°C pendant plusieurs jours). Le poids perdu correspond à la teneur initiale en eau libre (5 à 6 %), et la stabilité est maintenue dans le temps. Les opales peuvent être taillées et polies sans craquelure, ce qui n'est pas le cas des spécimens bruts non traités.

Des tests spectroscopiques (IR) ont confirmé que les opales traitées conservent des signatures proches des opales naturelles, même si la présence de silanol et la nature de l'eau piégée diffèrent légèrement. Aucune altération du jeu de couleurs n'a été notée, et la résistance à la taille et au polissage est accrue.

Cette méthode ouvre des perspectives non seulement pour les opales éthiopiennes, mais aussi pour d'autres opales naturelles à porosité ouverte telles que certaines opales andines ou d'origine asiatique. Toutefois, son application reste limitée par la complexité du procédé (autoclave, conditions supercritiques) et nécessite une maîtrise technique que peu d'ateliers gemmologiques possèdent actuellement. Son développement industriel pourrait cependant changer la perception des opales hydrophanes et permettre leur usage plus large en joaillerie.

Conclusion

La stabilisation des opales éthiopiennes par séchage supercritique et scellage à la silice constitue une réponse scientifique et technique au problème récurrent du "crazing". En préservant à la fois l'intégrité structurelle, la beauté optique et la nature chimique de la gemme, ce traitement offre une alternative prometteuse aux méthodes traditionnelles, trop souvent destructrices ou dénaturantes. Il reste désormais à en standardiser l'application pour offrir à ces opales tout leur potentiel en haute joaillerie, et peut-être redéfinir les standards d'évaluation de la durabilité des gemmes hydrophanes.

Références :

CHAUVIRÉ, B., MOLLÉ, V., GUICHARD, F., RONDEAU, B., THOMAS, P. S. & FRITSCH, E. (2023). Cracking of gem opals. Minerals, 12(1), 90.
FILIN, S. V. & PUZYNIN, A. I. (2009). Prevention of cracking in Ethiopian opal. Australian Gemmologist, 23(12), 579–582.
GAUTHIER, J.-P., MAZZERO, F., MANDABA, Y. & FRITSCH, E. (2004). L’opale d’Éthiopie : Gemmologie ordinaire et caractéristiques exceptionnelles [Opal from Ethiopia: Usual gemology and unusual characteristics]. Revue de Gemmologie A.F.G., 149, 15–23.

JOHNSON, M. L., KAMMERLING, R. C., DEGHIONNO, D. G. & KOIVULA, J. I. (1996). Opal from Shewa Province, Ethiopia. Gems & Gemology, 32(2), 112–120.
KOIVULA, J. I., KAMMERLING, R. C. & FRITSCH, E. (Eds.) (1994). Gem News: Opal from Ethiopia. Gems & Gemology, 30(1), 52–53.

RONDEAU, B., FRITSCH, E., MAZZERO, F., GAUTHIER, J.-P., CENKI-TOK, B., BEKELE, E. & GAILLOU, E. (2010). Play-of-color opal from Wegeltena, Wollo Province, Ethiopia. Gems & Gemology, 46(2), 90–105.

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