Le 29 octobre 2012, à Cébazat, petite commune en périphérie nord de Clermont-Ferrand (France), un événement inattendu a rappelé l’héritage géologique et industriel de la région. Lors de travaux de voirie destinés à aménager la ZAC des Trois Fées, un ancien puits de forage oublié a été accidentellement rompu. Ce puits, foré en 1981 pour des recherches géothermiques et pétrolières, a libéré une fuite significative d’hydrocarbures, marquant un épisode singulier dans l’histoire géologique de l’Auvergne.

La Limagne, vaste plaine sédimentaire du Massif central, est le résultat de millions d'années de dépôts marins, lacustres et fluviaux, alternant avec des périodes volcaniques. Les marnes riches en matière organique, datant de l’Oligocène, constituent une roche mère pour les hydrocarbures de la région. Ces hydrocarbures remontent naturellement à la surface à travers les nombreuses failles et cheminées volcaniques qui traversent la plaine.

Cependant, l'absence de réservoirs géologiques étendus (ou "roches magasins") et de structures de piège efficaces limite l’accumulation et la formation de gisements exploitables. Les hydrocarbures trouvés en Limagne sont généralement lourds, riches en soufre (jusqu'à 7 %) et souvent oxydés, ce qui réduit leur qualité et leur rentabilité.

Le puits en question avait été foré en 1981 jusqu’à une profondeur de 1 580 mètres. L’objectif principal était de rechercher des ressources géothermiques et, secondairement, des hydrocarbures. Les résultats furent modestes : de l'eau chaude à 85°C fut découverte mais avec des débits trop faibles, à -830 mètres, le forage traversa des lentilles de grès contenant de faibles quantités de pétrole et à -1020 mètres, des niveaux riches en CO₂ furent identifiés, parfois sous haute pression (jusqu'à 4000 m³/heure). Ces résultats jugés insuffisants entraînèrent l’abandon du puits, considéré comme scellé et sécurisé à l’époque. 

Le débouchage accidentel du puits en 2012 a libéré un pétrole très visqueux, à mi-chemin entre le pétrole brut et le bitume, à un débit de 3 à 5 m³ par jour. Contrairement à un jaillissement classique sous pression, cette fuite était principalement entraînée par un mécanisme de "gas lift". Des bulles de CO₂, issues des niveaux plus profonds, poussaient le pétrole à travers le tubage du puits et les bulles de CO₂ éclataient au milieu de l'épanchement. (Photographie de Jean-Jacques Arène)

Les hydrocarbures qui se sont échappés étaient riches en soufre, rendant leur traitement coûteux et peu attractif économiquement. La fuite, bien que modérée, a nécessité des mesures rapides pour limiter son impact environnemental.

La fuite a rapidement envahi les alentours du site, nécessitant la mise en place de digues et de bassins de rétention pour contenir l'hydrocarbure.

L'opération de mise en sécurité du puits, coordonnée par le BRGM et menée avec la collaboration de plusieurs acteurs (la DGPR, la DREAL Auvergne, l’opérateur pétrolier Lundin, et l’aménageur OPHIS), a duré moins d'un an et a été marquée par des défis techniques et environnementaux majeurs. Un dispositif de sécurité a été installé pour contrôler les pressions et limiter la fuite, avec des interventions successives pour stabiliser le site.

Le 23 janvier 2013, une première intervention a permis de poser un bouchon provisoire pour stopper l'écoulement du bitume. Après cette étape, des travaux de nettoyage ont été réalisés, incluant la vidange des bassins et la dépollution du site. Entre juin et septembre 2013, plusieurs phases d'intervention ont été entreprises, à commencer par une excavation pour geler la partie supérieure du forage. Ensuite, des opérations de génie civil ont préparé le terrain pour l’arrivée d’une machine de forage, permettant de procéder à un rebouchage permanent du forage avec trois bouchons de ciment superposés, d’une longueur totale de 298 mètres. Le bitume évacué a été brulé dans une cimenterie de Marseille après désulfuration.

Les analyses menées après l’intervention ont confirmé l'absence de pollution par les hydrocarbures, un résultat très satisfaisant pour un chantier aussi complexe, mené en plein cœur d’une zone habitée, à proximité de riverains. Ce chantier, bien que médiatisé, a comporté de nombreuses nuisances, telles que des odeurs fortes et des travaux 24 heures sur 24. L'opération a permis de tirer des enseignements importants sur la gestion des pressions importantes (jusqu'à 65 bars) et la présence de CO₂ dans les forages, soulignant la nécessité de tests en grandeur réelle pour garantir la sécurité des interventions de ce type.

Au-delà du succès de la mise en sécurité, cette opération a mis en lumière l'importance de la surveillance et de l’entretien des forages abandonnés, ainsi que la préparation technique nécessaire pour répondre à de telles situations imprévues.

Photo de droite : Bassin de rétention du bitume du chantier de Cébazat © BRGM

En conclusion, l'incident du puits de pétrole de Cébazat en 2012 souligne la complexité et les risques liés à l'exploitation des ressources géologiques dans une région à l'héritage industriel aussi riche que la Limagne. Bien que l'événement ait été inattendu, il a révélé non seulement la persistance des hydrocarbures sous la surface de la région, mais aussi l'importance de la surveillance et de la gestion des forages abandonnés. Grâce à une intervention coordonnée entre plusieurs acteurs publics et privés, la fuite a pu être maîtrisée avec succès en moins d'un an, limitant ainsi les impacts environnementaux. Ce chantier, certes complexe et médiatisé, a permis de mettre en évidence les défis techniques liés à la gestion des pressions souterraines et des hydrocarbures de qualité inférieure, tout en soulignant la nécessité de tests et de préparations approfondies pour de futures interventions. L'incident a également rappelé l'importance de la vigilance continue, même après la fermeture des sites industriels, pour prévenir de tels incidents dans le futur et préserver la sécurité des populations et de l'environnement.